Un artiste raté quésaco, vous me direz ? Voici donc un sujet fort incandescent sur lequel se pencher. Car, encore une fois, l'artiste raté est fatalement une caricature, mes très chers.
L'artiste raté est drogué, souvent. Faux modeste, toujours. Il se plait à écumer les bars, histoire de s'imbiber d'alcool et de se battre, parce que se battre, ça fait artiste torturé ou à défaut ,Johnny Depp dans ses jeunes années (qui a dit Johnny Depp, au moins, il a du talent ? ). Et ça, c'est hyper cool.
Le susnommé cuistre (parce que oui, c'est un cuistre) aime en faire des tartines : l'artiste raté est mégalo, pauvre de nous. Avec lui, tout est décadent, démesuré. Il crée sous substances, parce que, parait-il, ça ouvre le champ des possibles. Et si en plus, il traîne un dossier psychologique dont l'épaisseur ferait pâlir d'envie n'importe quel Vidal qui se respecte, ce n'en est que mieux. Un peu (beaucoup) schizophrène, un brin bipolaire (c'est hyper à la mode) , complètement dépressif, névrosé comme il se doit, violent, alcoolique et toute pathologie étiquetée "artiste maudit" peuvent être versées à son crédit. Réjouissons-nous, c'est trop "hype" youpi youpi tralala. Un autre aspect de sa mégalomanie consiste à s'autociter (après tout, on n'a que les luxes qu'on se paie, braves gens) et à se la jouer très "je ne vis que pour mon art, I'm a poor lonesome cowboy" et tout un ramassis ignoble de clichés mièvres et "so bohème", censés émouvoir les pauvres âmes sensibles et vulnérables.
L'artiste raté aime l'Art. Toute forme d'Art. Il voit l'Art là ou il n'est pas, aime des choses complètement déjantées voire morbides, parce qu'il est non conformiste, voyez-vous. Et en plus, il soigne son image de marginal-qui-veut-découvrir-le-monde. Oui, notre artiste raté se prépare a une vie formidable. Précisons fort utilement qu'il a 5 ans dans sa tête, ou un syndrome de Peter Pan carabiné, c'est vous qui voyez. Il n'aurait, de l'avis de votre douce Frénégonde, point fait tache dans la grande période hippie que connut notre société : Peace devant et Love derrière (eh si !), la vie est formidable, surtout quand on fuit toute forme de responsabilité, d'engagement ou de cohérence et que surtout, surtout on n'assume absolument rien de ce qu'on dit, ce qu'on fait ni de ce qui nous arrive parce que "la vie c'est comme ça". Forcément, sortir les doigts qu'il a coincé dans son séant minable lui demanderait un effort significatif , et ça, ça le fait frémir d'horreur. Ledit spécimen est également allergique a toute forme d'effort quel qu'il soit. La méritocratie, très peu pour lui. il compte sur la chance et le Destin.
Or donc, la question que nous sommes en droit de nous poser est la suivante : faut-il forcément être dénué de toute forme de talent pour être un artiste raté. Mhhh vaste débat, me direz-vous. J'évoquais précédemment la chance : l'artiste raté n'en manque pas, abondant ainsi dans le sens de l'adage "il n'y a de la chance que pour la canaille". Il a des connaissances dans le milieu, il les exploite, quand il n'a pas tout simplement une chance insolente qui développe chez lui le complexe de Dieu. Car s'il a, a mon humble avis, un minimum de talent (pour être reconnu par ses pairs, en général, c'est utile) l'artiste raté est persuadé qu'il est un Etre supérieur, voyez-vous. (il y a du mal de fait, je vous l'accorde). Le talent étant en outre une question de point de vue, à ce compte là, mon Adalbert de fiston est un virutose de la musique. On peut donc retourner le problème dans tous les sens, braves gens, on peut avoir du talent ET être un artiste raté. Car l'affreuse personnalité grandiloquente du spécimen traité ici réduit malheureusement à néant les fruits de son travail, c'est bien dommage.
L'artiste, le vrai, est humble et discret, car il n'a rien à prouver et vit effectivement pour ce qu'il crée. Mais lui, n'a pas le besoin de le hurler à la face du Monde entier pour se rendre intéressant et combler le vide intersidéral de son existence. Et si vous pensez que je pense à la personne à laquelle vous pensez, vous avez là entièrement raison.
Pour conclure, je dirais que "ars longa, vita brevis sed merda aeterna est", parce que, c'est comme ça.
Yours, faithfully
Frénégonde